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Egalité professionnelle à l’hôpital : un cadre législatif clairement défini.

Depuis 1946, l’égalité femmes-hommes est un principe constitutionnel. Cela signifie que la loi garantit aux femmes, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes. Dans le milieu professionnel, les disparités persistent, appelant à une politique active et à des mesures adaptées suivant la tendance sociétale. L’égalité entre les femmes et les hommes a été consacrée « Grande cause nationale » par le Président de la République. Dans la Fonction Publique, représentant 20% des emplois en France, un accord relatif à l’égalité professionnelle voit le jour en 2018. La loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 consacre son dernier volet à l’égalité professionnelle, de façon à favoriser la cohésion sociale et à être représentative de la société qu’elle sert. L’article 80 souligne l’obligation de la mise en œuvre d’un plan d’actions relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes pour la fonction publique hospitalière.

Si cette loi est un levier pour avancer sur cette question majeure de l’égalité professionnelle à l’hôpital, le déploiement dans les établissements des soins prend du retard. En effet, si les établissements devaient désigner leur(s) « référent(s) égalité » auprès de l’ARS avant le 31/12/2021, ils sont moins de 30% à l’avoir fait. Au 1er mars 2022, ils doivent adresser à l’ARS leur plan d’actions égalité femmes-hommes, plan proposé par les référents égalité et validé après passage dans les principales instances de l’hôpital. A défaut de la carotte, c’est le bâton qui sera utilisé comme moteur de cette politique incitative, puisque des pénalités financières sont prévues pour les établissements qui ne joueront pas le jeu. Il est donc devenu plus qu’urgent de s’investir concrètement sur ces questions, malgré le contexte sanitaire actuel pendant lequel l’immobilisme a été poussé à son paroxysme.

L’association Donner des ELLES à la Santé, auditionnée récemment par l’Assemblée Nationale, s’investit auprès des établissements de soins pour les accompagner dans cette démarche qui peut paraître fastidieuse et chronophage mais repose généralement sur du bon sens. La première étape est souvent de faire un état des lieux de la situation au sein de sa structure, et de communiquer ces informations à l’ensemble des personnels hospitaliers afin de sensibiliser autour des situations d’inégalités et de discriminations éventuelles. Sachant que la loi a institué l’obligation pour les entreprises de produire annuellement un rapport de situation comparée (RSC) qui doit reposer sur des indicateurs chiffrés. Chiffrer, quantifier, documenter, c’est assurer la transparence nécessaire pour initier le changement. Il faut ensuite définir des objectifs à atteindre, au travers d’actions susceptibles de supprimer les écarts. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, 5 critères sont primordiaux : la suppression des écarts de rémunération ; la même chance d’avoir une augmentation ; la même chance d’obtenir une promotion ; l’augmentation de salaire garantie au retour de congé maternité ; la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations.

Si les questions de rémunération peuvent sembler triviales à l’hôpital public, elles sont loin de l’être et, contre toute attente, il existe bien des différences de salaire entre femmes et hommes même après correction sur les éventuels facteurs confondants. Selon une étude de l’Insee en 2018, l’écart salarial est estimé à 16,3% parmi les personnels médicaux. A statut, âge, filière d’emploi et catégorie hiérarchique identique, l’écart salarial reste de 3,4%.

Quant à la parité dans l’accès aux postes à responsabilité, le chemin est long : bien qu’elles représentent 52% des médecins à l’hôpital, les femmes n’occupent que 21% des postes de PU-PH, 13,5% des postes de doyenne de faculté et 6% des postes de président de CME (source : rapport du Centre national de Gestion des PH 2018). La notion d’égalité des chances implique que des actions spécifiques soient engagées envers les femmes pour garantir une égalité réelle. Ces actions “positives” reposent sur des « mesures de rattrapage » en faveur des femmes, mises en place de manière ponctuelle afin de « remédier aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes », comme ainsi clairement énoncé dans la loi Génisson. On en revient aux fameux « quotas » si souvent décriés, par les hommes comme par les femmes, aux motifs d’une perte de la méritocratie. Pourtant, dans les grandes entreprises, la loi Copé-Zimmermann, visant l’instauration progressive de quotas pour aller vers la féminisation des instances dirigeantes, a porté ses fruits. Dix ans après, on dénombre 44,6% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC40, alors que, dans les entreprises non concernées par la loi, la parité n’est pas appliquée. Souvent, cependant, « la parité s’arrête aux portes du pouvoir », c’est-à-dire avant les instances de directions a proprement parlé (CoDir, ComEx), avec par exemple une seule femme DG d’une entreprise du CAC 40 en 2021. Les mesures se durcissent avec la loi Rixain : à compter du 1er mars 2026, la proportion minimale de personnes de chaque sexe au sein des instances dirigeantes ne pourra être inférieure à 30%, et 40% dès le 1er mars 2029.

On estime qu’il faut environ 10 ans à une loi qui modifie une donnée sociale ou sociétale pour assurer un plein effet. Encore du travail donc, mais le cadre légal existe et est désormais connu de tous ; gageons que les hôpitaux sauront s’emparer positivement de ces avancées pour développer un axe supplémentaire d’épanouissement et de qualité de vie au travail.

Dr Geraldine Pignot

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