0

Le 8 mars, et bien au-delà de la journée des droits de la femme…

Quelle journée historique que celle du 8 mars 2024. Chaque femme aura sa vision, son vécu, sa journée. La mienne a été dense, riche en actions et en émotions.

Elle commence par une signature de Charte Egalité entre l’association Donner des ELLES à la Santé, dont je suis présidente d’honneur, et l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris et ses 38 établissements. Comment aurais-je pu imaginer, en claquant la porte de l’APHP il y a 9 ans, revenir pour faire bouger les lignes et changer les mentalités sur les raisons qui m’avait fait quitter le navire, et notamment le manque de transparence sur l’accès aux postes à responsabilité ? Une citation me vient en tête (citation attribuée, selon les sources, à Mark Twain, Winston Churchill ou Marcel Pagnol) : « Tout le monde savait que c’était impossible à faire. Puis un jour quelqu’un est arrivé, qui ne le savait pas, et il l’a fait. ». En attendant les actions concrètes sur le terrain, Nicolas Revel, Directeur General, marque de son discours un engagement fort : « L’entre-soi masculin, c’est inacceptable dans son principe, mais c’est surtout fondamentalement une perte d’efficacité collective ». Pas mieux.

Ma prochaine étape est le Conseil d’Administration de l’Association Française d’Urologie, 24 membres, irréductibles gaulois de sexe masculin pendant de nombreuses années, infiltrés en 2022 par 5 jeunes femmes motivées à assurer une certaine représentativité de notre association, tant en termes de genre, que d’âge ou de mode d’exercice. Je dois y présenter un projet de Mentorat destiné à accompagner les jeunes urologues dans leur parcours professionnel. Projet né de tristes constats : les jeunes urologues, internes ou assistants, sont déjà touchés par le syndrome d’épuisement professionnel, 80% d’entre eux ont été victimes de harcèlement moral et 31% ont pensé arrêté l’urologie à cause d’une situation de harcèlement. Plus spécifiquement, les femmes sont 75% à avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel et 11% ont été menacées de perdre leur poste en cas de grossesse (5% des hommes ont été menacés ou empêchés de prendre leur congé parental). Bien sûr, dans 75% des cas, ces jeunes ne savent pas comment dénoncer le harcèlement et 54% d’entre eux ont peur des représailles. Une situation préoccupante qui nous amène à remettre en question nos méthodes en essayer d’insuffler davantage de bienveillance dans le milieu hospitalier, chez ces jeunes rapidement confrontés aux contraintes inhérentes du métier, l’obligation de résultats, le manque de moyens, la surcharge de travail, la privation de sommeil, ou bien encore et plus simplement la confrontation à la souffrance et à la mort.

Mais avant de donner de ma personne pour les plus jeunes générations, je fais un saut par la place Vendôme pour la cérémonie qui scelle dans la Constitution la liberté garantie des femmes à recourir à l’IVG. L’ambiance est solennelle, presque magistrale. Les femmes présentes sur le parvis sont de toutes générations, de toutes religions, de toutes classes sociales. J’ai le sentiment que, comme moi, elles vivent un moment riche en émotions, empreint de sororité et de mansuétude. Un moment suspendu, où le temps s’arrête.

Je crois apercevoir derrière moi les silhouettes de Gisèle Halimi et de Marguerite Yourcenar, tandis qu’à côté de moi Simone Veil amorce un sourire. Plus loin, je sens les regards sereins de Rosa Parks et Marie Curie. Dans l’ombre, se tiennent Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson. Simone de Beauvoir est là aussi. Encore plus loin, il me semble entre-apercevoir le regard fier, bien qu’empli de larmes de souffrance, de Mahsa Amini… Une voix en moi résonne : « Femme, Vie, Liberté ! » et je sens comme une petite main frôlant la mienne… celle de ma fille, et, derrière son regard ému, celle de toutes les petites filles du monde espérant voir leur destin bousculé par cette belle dynamique insufflée par la France.

Cette journée historique, j’aimerais la dédier à celles sans qui nous n’en serions pas là aujourd’hui, celles qui ont choisi le camp du courage et la voie de l’engagement. Mais j’aimerais aussi la dédier à toutes celles qui n’ont pas la chance de vivre sous le soleil de la liberté, celles qui, dans de lointaines contrées, ont encore besoin qu’on se mobilise pour faire bouger les lignes.

Les droits des femmes, ce n’est pas seulement le 8 mars sur le parvis de la place Vendôme. Les droits des femmes, c’est tous les jours, dans tous les pays, à chaque instant, partout dans le monde.

N’oublions jamais, et ne lâchons rien.

« Si nous sommes encore là, c’est que nous n’avons pas fait assez. » Albert Camus.

Dr Geraldine Pignot

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec * Pour information, Géraldine Pignot ne répondra pas aux commentaires anonymes.