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Le syndrome de la tiare

L’une des limites bien identifiées de l’accès aux postes à responsabilité pour les femmes est l’autocensure et le syndrome de l’imposteur, qui correspond à l’inexorable doute en soi quant à ses compétences à pourvoir un poste. Un rapport interne de Hewlett-Packard a révélé que les femmes ne postulaient que si elles pensaient réunir 100% des critères requis pour un poste donné, alors que les hommes se contentent de 60% des critères pour décider de se porter candidat. Là où les femmes se disent « je ne suis pas encore prête pour faire ça », les hommes pensent « j’ai envie de faire ça, et je vais pouvoir apprendre en le faisant ». Définitivement, l’ennemi des femmes, c’est la perfection : « done is better than perfect » nous explique Sheryl Sandberg, n°2 de Facebook, dans son livre « Lean In ».

L’autre limite, moins bien connue, est le syndrome de la tiare. Là où les hommes n’hésiteront pas à réclamer une promotion, les femmes attendent que la tiare soit posée sur leur tête, en d’autres termes que leurs compétences soient reconnues par leurs supérieurs. Dans une méritocratie parfaite, les tiares seraient déposées sur la tête des plus compétents. Mais le système patriarcal actuel ne fonctionne pas selon ces codes. Travailler dur et obtenir de bons résultats devraient être naturellement reconnu par les autres ; mais, si ce n’est pas le cas, il est alors nécessaire de réclamer. Avec diplomatie et sourire toujours, car lorsqu’on est une femme tout signal de pugnacité et de désagrément est irrémédiablement condamné (et c’est là toute la perversité du système…), mais il faudra prendre le risque de réclamer.

Les recherches à ce sujet ont montré que cette absence de prise de risque dans le milieu professionnel est d’autant plus marquée chez les femmes évoluant dans des environnements où les performances individuelles sont mises en avant et lorsqu’elles travaillent étroitement avec des hommes.

Il en résulte un vivier insoupçonnable de jeunes femmes compétentes qui ne progresseront peut-être jamais dans leur carrière professionnelle pour de mauvaises raisons. Cette prise de conscience est importante. Importante pour les femmes bien sûr, afin qu’elle travaille à prendre place « à la table » près de leurs collègues masculins. Importante pour les hommes également, notamment ceux aux postes à responsabilité, afin d’aller chercher ces femmes compétentes qui gravitent autour d’eux sans demander de reconnaissance, et s’obstiner à les tirer vers le haut. Cette bienveillance masculine est indispensable pour remplacer le système patriarcal. Encore très en retard, le système hospitalier peut prendre exemple sur le monde entrepreneurial, où plusieurs hommes chefs d’entreprise ont déjà pris conscience de ces biais et se sont investis dans cette démarche pro-active. Ivan Jablonka l’explique si bien dans son livre « Des hommes justes », où il souligne l’importance d’inventer de nouvelles masculinités : des hommes égalitaires, en rupture avec le patriarcat, épris de respect plus que de pouvoir ; juste des hommes, mais des hommes justes. Sans nul doute, les vrais féministes sont des hommes.

Dr Geraldine Pignot

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