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Une nécessaire prise de conscience

87%. Un pourcentage choc, un pourcentage effarant, un pourcentage révélateur. Oui, 87% des femmes médecins ont déjà été victimes de discrimination liée à leur genre. Et parmi elles, 36% estiment l’avoir été beaucoup. Voilà les premiers résultats d’une enquête IPSOS menée en 2020 auprès d’un échantillon représentatif de 500 médecins hospitaliers, femmes et hommes. L’idée était de faire un état des lieux de la situation actuelle à l’hôpital et d’identifier les mesures attendues par les médecins. Me voilà au pied du mur. Après 40 ans à nier l’évidence, à penser que les femmes et les hommes naissaient libres et égaux en droit, avec les mêmes chances de réussite à partir du moment où la volonté était là (« là où il y a une volonté, il y a un chemin »), je me rendais compte de l’immensité de la supercherie. Depuis 40 ans, je m’étais cachée derrière de faux concepts, de belles promesses, et aujourd’hui, avec toute la violence de la vérité, je prenais conscience de l’ampleur du mensonge. Je m’étais menti à moi-même, et j’avais menti aux autres femmes, en prétextant que la réussite était aisée et forcément liée au talent et à l’effort, selon le principe de méritocratie. J’avais omis une partie de l’équation.

Etre médecin ET femme à l’hôpital : serait-ce un dilemme? Pourtant 52% des médecins hospitaliers sont des femmes, une forte représentativité qui ne se retrouvent cependant pas à toutes les strates de la hiérarchie hospitalière. Les femmes ne représentent que 19 % des PU-PH (Professeurs des Universités-Praticiens Hospitaliers) et elles ne sont que 16% à occuper des postes à responsabilité dans leur hôpital (chef de service, président de CME, …). Logiquement, quand l’association Donner des Elles à la Santé s’est créée, avec pour objectif de promouvoir l’égalité femme-homme dans le secteur de la santé, j’en ai accepté la présidence. Comme un devoir qui m’incombait pour relayer un message important, comme une évidence qui s’imposait à moi, en acceptant les remarques que cette prise de position allait susciter et le poids du rôle que j’allais devoir jouer. Selon cette même logique, j’ai accepté de tenir ce blog afin de relayer les informations et partager les messages avec l’ensemble de la communauté médicale. Ce qui m’a convaincu, ce ne sont pas tant les 87% des femmes médecins victimes de discrimination liée à leur genre, mais les 89% d’hommes médecins qui déclaraient avoir constater des discriminations envers leurs collègues femmes (dont 59% des hommes qui l’avaient même observé « souvent » ou « très souvent »). Que s’était-il passé pour que, eux aussi, se mentent, se voilent la face, continuent à avancer sans que ce problème sociétal ne devienne une priorité ? Dans une avalanche, aucun flocon ne se sent jamais responsable. Pourtant nous avons tous une part de responsabilité dans ce que le système hospitalier a laissé insidieusement s’installer depuis des années : les femmes, par leur abnégation et leur propension à l’autocensure, les hommes par leur silence. Accepter cette part de responsabilité, accepter d’ouvrir les yeux pour amorcer le changement ; voilà ce qui me semblait être une noble mission. Une nécessaire prise de conscience.

Rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu (Victor Hugo).

Dr Geraldine Pignot

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